chez
certaines personnes atteintes d’autisme
Parmi les personnes
atteintes d'autisme on rencontre souvent des compétences extraordinaires dans
le domaine du dessin alors que ces enfants n'ont reçu aucune éducation
artistique préliminaire (Selfe 1977, Pring, Hermelin, Buhler, Walker, 1997).
La qualité de ces dessins et peintures force l'admiration. Les capacités
manuelles et mentales ainsi que les motivations qui les sous-tendent restent
encore à découvrir.
Ces compétences
exceptionnelles contrastent souvent chez ces mêmes enfants avec des compétences
intellectuelles nettement moins bonnes (Shaw, Frith 1982), ce qui remet
d'ailleurs en question certains aspects du "constructivisme Piagetien"
dans la mesure où certaines étapes du développement sont complètement
bousculées par l'apparition de ces talents à des âges bien inférieurs à
ceux prédits par le modèle Piagetien du développement cognitif de l'enfant et avant même
certaines acquisitions considérées comme "pré requises"
par la psychologie développementale.
Les deux exemples
ci-après donnent une idée de l'aspect exceptionnel de tels talents.
Nadia, une jeune enfant autiste, a dessiné des centaines de représentations
d'animaux entre l'âge de trois ans et demi et de six ans. Le cas de Nadia n'est
pas unique. On trouve un nombre statistiquement plus élevé de personnes
autistes ayants de tels talents que dans la population "normale"(Edelson
1995). Mais bien sûr, comme la prévalence de l'autisme est d'environ quinze à
vingt pour dix mille[1],
et que ces talents sont présents seulement chez un petit sous groupe de
personnes autistes, le nombre de cas de personnes autistes douées pour le
dessin est assez rare. Quelques cas
très rares de « savant skills » en dessin ont été analysés chez
des personnes atteintes de démence (Miller 2001), ne connaissant pas ce
domaine, je préfère ne pas élaborer à ce sujet.
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Tête
de cheval : Nadia, cinq ans |
Coq
: Nadia 6 ans |
Ces talents des personnes autistes surdouées ne se limitent pas au dessin mais s'expriment également en calcul mental ainsi que pour la mémoire des dates et également en musique (Edelson 1995). Les enfants atteints du syndrome de Williams ( Finn 1991) montrent également des talents de type "savant", mais plus spécifiquement dans le domaine de la musique. Une publication récente propose plusieurs analyses de ces talents extraordinaires.
Beate Hermelin développe
des comparaisons, étayées par des expériences scientifiquement construites,
entre des personnes autistes et des personnes non autistes douées pour le
dessin. Ces dernières n'ont pas des compétences aussi élevées que les
personnes autistes dans la reconnaissance de formes, la mémorisation d'images
mais aussi dans leurs capacités à dépasser la représentation immédiate du
modèle, à trouver le trait juste.
Ces personnes autistes
reproduisent, sans interprétation, les images que leur transmet leur appareil
visuel, donnant l’impression qu’ils maîtrisent parfaitement la technique
complexe de la perspective. Leurs représentations des entités du monde vivant
ou de natures mortes et paysages est extrêmement fidèle au modèle,
fournissant souvent des détails minutieux dans une presque perfection. Leur
sens de l’observation les conduit à repérer des situations originales
auxquelles ils vont s’attacher de manière parfois obsessive. Mon fils a
dessiné pendant des mois des lampadaires d’éclairage de la voirie. Il a un
jour dessiné dès son retour à la maison le plafond d’un wagon de train américain
où un des tubes néon était en panne, ce qui l’avait perturbé.
Une jeune fille
atteinte du syndrome d’Asperger (forme d’autisme sans déficience
intellectuelle) me rapportait que leur professeur d’art demandait aux élèves
de dessiner ce qu’ils voyaient. Pour leur apprendre à le faire il leur
demandait de copier un tableau de maître, toutefois, afin d’éviter toute
interprétation personnelle il mettait le tableau à l’envers. En effet, nous
avons toujours notre interprétation personnelle de ce que nous voyons en
fonction de nos expériences passées, des connaissances pratiques ou sociales
des situations que nous dessinons. Notre perception du monde est influencée par
notre propre univers cognitif (Moles 1965).
Les personnes autistes
ne sont pas ou nettement moins influencées par ce phénomène interprétatif,
il leur est donc plus aisé de reproduire ce qu’elles voient.
Insistons sur le fait
que ces enfants n'ont reçu aucune formation artistique au moment de leurs
premiers dessins. Certains ont par la suite suivi des cours, mais en général,
ces enseignements se heurtent à un niveau de compréhension ne leur permettant
pas d'en profiter. Quelques un peuvent toutefois améliorer leur technique du
dessin ou de la peinture.
On remarque, mais nous
y reviendrons plus longuement par la suite, une certaine uniformité de style
entre les formes artistiques employées par des personnes autistes ne se
connaissant pas, vivant très éloignées les unes des autres. Certaines différences
de style apparaissent parfois quand les personnes autistes apprennent à maîtriser
des techniques artistiques plus sophistiquées. Mais quand on observe leurs œuvres
précoces, effectuées de façon innée, les ressemblances sont surprenantes.
Cependant toutes les
personnes autistes, mêmes parmi celles douées de talents artistiques, ne sont
pas des dessinateurs prodiges. Ce que nous voulions faire connaître ici, c'est
qu'il existe de tels dessinateurs possédant des talents innés.
[1] L'analyse de la prévalence de l'autisme sous ses différentes formes est entrain d'évoluer en fonction de plusieurs paramètres : changement des définitions diagnostiques, accroissement des connaissances parmi le corps médical, mais aussi peut être de facteurs nouveaux de l'environnement qui pourraient provoquer un accroissement intrinsèque de cette prévalence.